Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome III, 1.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
318 a
32
PROTAGORAS

rentreras chez toi meilleur que tu n’étais, et de même le lendemain ; et ainsi chacun de tes jours sera marqué par un progrès vers le mieux. »

À ces mots, je repris : « Protagoras, ce que tu nous dis là n’a rien de merveilleux ; c’est au contraire fort naturel ; car toi-même, à ton âge et avec ta science, si l’on t’enseignait une chose ignorée de toi, tu y gagnerais. Il faut procéder autrement. Suppose qu’Hippocrate change subitement d’idée et qu’il lui prenne fantaisie de fréquenter ce jeune homme qui vient d’arriver à Athènes, Zeuxippe[1] d’Héraclée ; il irait le trouver, comme il est venu te trouver toi-même, et recevrait de lui la même réponse que tu viens de faire : que chaque jour, dans sa compagnie, il obtiendrait une amélioration et un progrès. Il lui poserait alors cette nouvelle question : « En quoi prétends-tu que je deviendrais meilleur et que je ferais des progrès ? » Zeuxippe lui répondrait : « En peinture. » Et s’il allait trouver Orthogoras de Thèbes, et que, sur une réponse pareille à la tienne, il continuât de lui demander en quoi il profiterait chaque jour dans sa compagnie, l’autre lui répondrait : « Dans l’art de la flûte. » Eh bien, réponds-nous de la même manière, quand nous te demandons, ce jeune homme et moi : « À supposer qu’Hippocrate fréquente Protagoras, où tendra et sur quoi portera cette amélioration journalière, ce progrès continu qu’Hippocrate en retirera chaque soir ? »

Protagoras, à cette question, répondit : « Tu interroges comme il faut, Socrate, et de mon côté, quand on m’interroge comme il faut, j’aime à répondre. Eh bien, Hippocrate n’aura pas à redouter dans ma compagnie l’inconvénient qu’il aurait trouvé auprès d’un autre sophiste. Les autres, en effet, assomment les jeunes gens. Alors que ceux-ci cherchent à fuir les sciences trop techniques, les sophistes les y ramènent de force, en leur enseignant le calcul, l’astronomie, la géométrie, la musique, — et en disant ces mots il

    aux environs de la 84e Olymp. (444-41). Il serait donc né vers 485, et n’aurait que seize ans de plus que Socrate. Si, en outre, la scène se passe bien en 432 (cf. p. 22, n. 1), il n’aurait encore que cinquante-trois ans.

  1. Sur Zeuxippe — par abréviation Zeuxis — cf. p. 117, n. — Orthagoras est donné par Aristoxène (Athénée 184 d) comme ayant enseigné la flûte à Épaminondas.