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PROTAGORAS

« Eh bien ! Protagoras et toi, Socrate, si ce n’est pas là être vaincu par le plaisir, qu’est-ce donc, et comment appelez-vous cela ? Dites-le nous. » Si nous vous avions répondu tout de suite que c’est là un effet de l’ignorance, vous vous seriez moqués de nous ; maintenant, si vous vous moquez de nous, c’est de vous-mêmes que vous vous moquerez.

« Vous avez reconnu en effet que c’était le défaut de science qui faisait faire un mauvais choix entre les plaisirs et les peines à ceux dont la conduite est fautive en ces matières, c’est-à-dire sur les biens et les maux. Non seulement il y avait là défaut de science, mais en outre d’une science que vous avez reconnue être celle des mensurations. Or une erreur de conduite causée par le manque de science, vous savez parfaitement vous-même que c’est une faute d’ignorance. De sorte que se laisser vaincre par le plaisir est la pire des ignorances. Protagoras, ici présent, affirme qu’il sait guérir cette maladie ; de même Prodicos et Hippias. Mais vous, faute de savoir qu’elle est uniquement due à l’ignorance, vous négligez et vous faites négliger à vos enfants la fréquentation des maîtres en ces matières, les sophistes ici présents ; convaincus que ce n’est pas là une chose qui puisse s’enseigner, parcimonieux de votre argent, vous le refusez à ces maîtres et vos affaires tant privées que publiques s’en trouvent mal. »

— « Voilà ce que nous aurions répondu à la foule, Protagoras et moi. Et maintenant, avec Protagoras, je vous demande à vous, Hippias et Prodicos, — car vous ne devez pas rester en dehors de la discussion, — si ce que je dis vous paraît vrai ou faux. » — Ils déclarèrent que tout ce que j’avais dit était la vérité même. — « Ainsi, repris-je, vous jugez avec moi que le plaisir est bon et que la peine est mauvaise. Je demande à Prodicos d’oublier un instant ses distinctions de synonymes : que tu appelles l’agréable du nom de plaisant, ou de réjouissant, ou de toute autre façon qui te plaira, mon cher Prodicos, veuille me répondre sur le point en question. » — Il sourit et se déclara d’accord ; les autres de même.

— « Et ceci, dis-je, qu’en pensez-vous ? Toutes les actions qui ont pour principe d’assurer une vie exempte de douleur et agréable, ne sont-elles pas belles ? et toute œuvre belle n’est

    courage, loin de se distinguer des autres parties de la vertu, s’identifie à l’une d’elles, le savoir.