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PROTAGORAS

les unes aux autres, s’entrelacent harmonieusement pour jouer chacune leur rôle propre et donner à l’attention l’agréable repos qui résulte de leurs contrastes.

Protagoras, qui soutient que la vertu peut s’enseigner, prouve sa thèse d’abord par un mythe, puis par un discours suivi, selon la méthode des sophistes.

Alors intervient Socrate, qui pose sa question favorite : « La vertu est-elle une ou multiple ? » Discussion dialectique sur ce point et brusque reprise oratoire de Protagoras, que ces minuties dialectiques troublent et irritent.

Ici, forte coupure du dialogue par un coup de théâtre qui réveille l’intérêt et fait entrer en scène tous les assistants : Socrate feint de ne pouvoir comprendre un discours suivi et déclare renoncer à la discussion. Devant l’insistance de tout, il retire sa menace ; ce n’était qu’une fausse sortie, et l’entretien reprend.

Cette fois, c’est Protagoras qui le dirige en posant des questions à Socrate. Suivant une autre méthode sophistique, il invoque l’autorité des poètes et cite un passage de Simonide. Mais le passage paraît renfermer une contradiction. Socrate, invité à la résoudre, essaye diverses voies et finit par se livrer à un long commentaire, dans lequel il interprète à sa manière la pensée de Simonide.

Puisque le sens des poèmes est douteux, il faut en revenir à la discussion dialectique. Celle-ci est donc reprise sur la question de l’unité ou de la multiplicité de la vertu, et elle aboutit à reconnaître que toute vertu se ramène en dernière analyse à la science du bien et du mal. Mais s’en est ainsi, comment nier qu’elle puisse être l’objet d’un enseignement ?

Or, telle était justement au début la thèse de Protagoras contestée par Socrate. Et maintenant voici les positions des deux adversaires interverties : c’est Socrate qui prouve à Protagoras (et contre lui) que la vertu a précisément le caractère exigé par la thèse primitive de celui-ci.

On voit le spirituel renversement des rôles et le nouveau coup de théâtre qui rapproche les deux interlocuteurs au moment où ils semblaient s’éloigner l’un de l’autre. Il n’y a plus qu’à conclure. Ce qui se fait par les paroles courtoises dont nous avons rappelé le sens précédemment.

Cette rapide analyse suffit à montrer combien la marche