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PROTAGORAS

conduite, on m’a répondu que ceux qui agissaient ainsi se laissaient vaincre et dominer par le plaisir, ou par le chagrin ou par quelqu’une des autres causes que j’indiquais tout à l’heure. » — « En cela comme en bien d’autres choses, les hommes se trompent, Socrate. » — « Essaie donc, de concert avec moi, de les éclairer et de leur montrer en quoi consiste l’accident qui leur arrive, lorsqu’ils disent qu’ils sont vaincus par le plaisir et que c’est à cause de cela qu’ils n’ont pu faire ce qui était le meilleur, quoiqu’ils en eussent connaissance. Peut-être, si nous leur disions : « Vous vous trompez, ô hommes, et votre langage est inexact, » nous demanderaient-ils : « Si cet accident qui nous arrive ne consiste pas à être vaincus par le plaisir, en quoi donc consiste-t-il et comment l’appelez-vous, Protagoras et Socrate ? Veuillez nous le dire. » — « Qu’avons-nous besoin, Socrate, d’examiner l’opinion du vulgaire, qui dit cela comme il dirait autre chose ? » — « Je crois, repris-je, que cet examen n’est pas inutile pour nous faire découvrir le vrai rapport du courage avec les autres parties de la vertu. Si donc tu veux bien continuer, comme nous en étions convenus, à me laisser diriger cet examen de la manière que je croirai la plus efficace, suis-moi ; sinon, je suis prêt à y renoncer pour te faire plaisir. » — « Tu as raison, dit-il : continue comme tu as commencé. »

— « Eh bien je suppose qu’ils insistent et nous posent la question suivante : « Comment donc exprimez-vous l’idée que nous traduisions par ces mots, être vaincu par le plaisir ? » Je leur répondrais : « Écoutez ; nous allons tâcher de vous l’expliquer, Protagoras et moi. Qu’entendez-vous, ô hommes, quand vous dites que vous êtes vaincus par le plaisir du manger, du boire ou de l’amour, sinon ceci que, sachant ces choses mauvaises, vous les faites cependant ? » — « Oui, » diraient-ils. Nous leur poserions alors cette nouvelle question : « En quoi dites-vous que ces choses soient mauvaises ? Est-ce par l’agrément immédiat qu’elles vous apportent et par ce que chacune a d’agréable, ou parce qu’elles vous ménagent pour

    de la notion de science, sur laquelle il est d’accord avec Protagoras. Il va amener celui-ci à combattre avec lui, chez le commun des hommes, l’opinion qu’il avait commencé par soutenir et, sur ce point, aura gain de cause à 354 e. — Ceci formera la première partie de la discussion.