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HIPPIAS MAJEUR

dire ; car je connais individuellement tous ceux qui pratiquent la parole. Parle tout de même, si cela te fait plaisir.

Socrate. — Oui, cela me fera plaisir. Nous autres, mon très cher, avant de t’avoir entendu, nous étions assez sots pour croire que de nous deux, toi et moi, chacun est un, et, par conséquent, n’est pas ce que nous sommes tous deux ensemble ; car, ensemble, nous ne sommes pas un, mais deux. Voilà ce qu’imaginait notre sottise. Maintenant, nous apprenons de toi que si, ensemble, nous sommes deux, chacun de nous aussi doit être deux, de toute nécessité, et que si chacun de nous est un, ensemble aussi nous sommes un. Il est impossible en effet, d’après la théorie complète de l’essence exposée par Hippias, qu’il en soit autrement : ce qu’est l’ensemble, les éléments le sont aussi, et ce que sont les éléments, l’ensemble doit l’être. Tu m’as convaincu, Hippias, et je m’arrête. Cependant, un mot encore pour rafraîchir mon souvenir : sommes-nous un, toi et moi, ou chacun de nous est-il deux ?

Hippias. — Que veux-tu dire, Socrate ?

Socrate. — Je veux dire ce que je dis. Je crains de voir trop clairement dans ton langage la preuve que tu m’en veux parce que tu crois avoir dit quelque chose de juste. Cependant, dis-moi : Chacun de nous n’est-il pas un, et cette qualité, d’être un, n’est-elle pas un attribut qui le caractérise ?

Hippias. — Sans doute.

Socrate. — Si chacun de nous est un, il est impair : car tu reconnais sans doute que l’unité est impaire ?

Hippias. — Assurément.

Socrate. — Et notre couple, formé de deux unités, est-il impair ?

Hippias. — C’est impossible, Socrate.

Socrate. — À nous deux, par conséquent, nous sommes un nombre pair. Est-ce exact ?

Hippias. — Très exact.

Socrate. — De ce que notre couple est pair, s’ensuit-il que chacun de nous le soit ?

Hippias. — Non certes.

Socrate. — Il n’est donc pas nécessaire que le couple ait