Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome II.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
299 c
35
HIPPIAS MAJEUR

plaisir produit par l’une de ces causes ne saurait être produit par toutes les deux. C’est là, je crois, ce que tu veux dire ; mais ce que nous affirmons, c’est que chacune des deux sortes de plaisirs est belle pour sa part, et que toutes les deux le sont. » — Est-ce bien ainsi qu’il faut répondre ?

Hippias. — Parfaitement.

Socrate. — « Mais un plaisir, dira-t-il, diffère-t-il d’un autre plaisir en tant que plaisir ? Car la question n’est pas de savoir si un plaisir est plus ou moins grand et s’il y a dans les plaisirs du plus et du moins, mais si la différence entre des plaisirs en tant que plaisirs consiste en ceci que l’un soit un plaisir et l’autre non. » Il nous semble que non, n’est-il pas vrai ?

Hippias. — Je suis de cet avis.

Socrate. — « Donc, continuera-t-il, si parmi toutes les sortes de plaisir, vous distinguez ces deux-là, c’est pour une autre raison que leur qualité agréable : c’est parce que vous discernez en eux un caractère particulier étranger aux autres, que vous les appelez beaux ? Assurément les plaisirs de la vue ne doivent pas leur beauté à ce simple fait qu’ils sont produits par la vue : car s’il en était ainsi, les plaisirs de l’ouïe n’auraient pas de raison d’être beaux[1] ; la vue n’est donc pas la raison de cette beauté. » — C’est juste, dirons-nous.

Hippias. — Oui.

Socrate. — « De même, la beauté du plaisir produit par l’ouïe ne résulte pas du fait qu’il vient de l’ouïe ; car les plaisirs de la vue, dans ce cas, ne seraient pas beaux. Donc l’ouïe n’est pas la raison de cette beauté. » Reconnaîtrons-nous, Hippias, que cet homme dit vrai ?

Hippias. — Sans doute.

Socrate. — « Cependant, dira-t-il, ces deux sortes de plaisirs sont beaux, selon vous ? » — En effet, nous l’affirmons.

Hippias. — D’accord.

Socrate. — « Ils ont donc une qualité identique par l’effet de laquelle ils sont beaux, un caractère commun qui se rencontre à la fois dans chacune des deux sortes et dans les deux ensemble. Sans cela, il serait impossible que les deux sortes

  1. Ils ne sont pas en effet produits par la vue.