Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome II.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204 e
132
LYSIS

donc est-il fils ? » — « Il est le fils aîné de Démocratès, du dème d’Aïxonée. » — « Eh bien, Hippothalès, repris-je, c’est de toutes façons un noble et généreux amour que tu as rencontré. Célèbre-le donc devant moi comme tu fais devant tes amis, afin que je voie si tu connais le langage qui convient à un amant, soit qu’il s’adresse à l’objet aimé, soit qu’il en parle à d’autres. » — « Est-ce que par hasard, Socrate, tu attaches quelque importance aux bavardages de Ctésippe ? » — « Nies-tu ton amour pour celui qu’il indique ? » — « Non ; mais je prétends que je ne compose en son honneur ni vers ni prose. » — « Il est fou, dit Ctésippe ; les histoires qu’il te raconte n’ont pas le sens commun. »

Je repris alors : — « Hippothalès, je ne suis pas curieux d’entendre tes vers ni les chansons que tu as pu faire pour ce jeune garçon : ta pensée seule m’intéresse, car je désire savoir comment tu te comportes à l’égard de celui que tu aimes. » — « Ctésippe peut te le dire ; il le sait à merveille et doit s’en souvenir, s’il est vrai, comme il le prétend, que je lui en rebatte les oreilles. »

— « Oui, par les dieux, dit Ctésippe, je le sais fort bien, et la chose, Socrate, est même tout à fait risible. Qu’on soit amoureux d’un enfant, qu’on lui consacre plus que personne toute son attention, et qu’on ne trouve à dire de lui rien de personnel, rien que ce que pourrait dire un tout petit garçon, n’est-ce pas plaisant ? Des banalités que chante toute la ville sur Démocratès, sur l’autre Lysis, le grand-père de celui-ci, et sur tous ses aïeux, leurs richesses, leurs chevaux, les victoires Pythiques, Isthmiques, Néméennes de leurs quadriges et de leurs coursiers, voilà ce qu’il met en vers et en prose, avec d’autres vieilleries tout aussi fraîches[1]. Hier encore, il nous racontait dans un poème l’hospitalité offerte à Héraclès par un de ses ancêtres, et nous expliquait cet accueil par la parenté d’Héraclès et de cet ancêtre, né lui-même de Zeus et de la fille du héros fondateur de son dème : bref, des contes de bonnes femmes, Socrate, et tout à l’avenant. Voilà ce qu’il dit, ce qu’il

  1. Littéralement : « encore plus contemporaines de Kronos », dont le règne avait précédé l’avènement de Zeus, selon la tradition hésiodique.