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LACHÈS

lutte quelconque ; mais s’il est avantageux ou non d’éprouver tel ou tel sort, en quoi le devin est-il plus capable qu’un autre d’en juger ?

Lachès. — Je ne comprends pas, Socrate, ce qu’il veut dire. Il n’y a ni devin, ni médecin, ni personne qui mérite, à l’en croire, d’être appelé courageux, sauf peut-être quelque dieu. Pour moi, je suis convaincu que Nicias n’ose pas avouer hardiment qu’il ne dit rien qui vaille : au lieu de cela, il se démène en tous sens pour cacher son embarras[1]. Nous aurions été capables nous aussi, toi et moi, de toutes ces contorsions si nous avions voulu dissimuler nos contradictions. Devant un tribunal, ces façons auraient quelque raison d’être ; mais ici, dans une réunion comme la nôtre, à quoi bon de vains discours destinés à se faire valoir ?

Socrate. — Ils seraient en effet déplacés, Lachès. Mais prenons garde : Nicias croit sans doute à la valeur de ce qu’il dit et ne parle pas pour le plaisir de parler. Tâchons d’éclaircir sa pensée : s’il nous apparaît qu’il ait raison, nous nous inclinerons ; s’il a tort, nous le lui ferons voir.

Lachès. — Eh bien, Socrate, si tu veux l’interroger, interroge-le ; pour moi, je suis édifié.

Socrate. — Je n’y fais point d’objection ; je parlerai à la fois pour toi et pour moi.

Lachès. — C’est entendu.


Socrate examine la définition de Nicias.

Socrate. — Dis-moi donc, Nicias, ou plutôt dis-nous, puisque je parle en notre nom commun, à Lachès et à moi : tu affirmes que le courage est la science du redoutable et de son contraire ?

Nicias. — Oui.

Socrate. — Et que cette science n’est pas à la portée de tout le monde, puisque ni le médecin ni le devin ne la possèdent nécessairement, et qu’ils ne seront courageux qu’à la condition de l’acquérir ? N’est-ce pas là ce que tu soutenais ?

Nicias. — Parfaitement.

  1. Lachès prête à Nicias l’attitude que Socrate, dans le récit du Charmide, attribuait à Critias devant certaines objections ; mais ici Socrate va prendre la défense de Nicias contre Lachès.