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LACHÈS

Nicias. — Évidemment.

Socrate. — Par conséquent, lorsque nous cherchons un conseiller, nous devons nous demander s’il a la compétence nécessaire relativement à la fin en vue de laquelle nous instituons notre recherche[1].

Nicias. — Sans doute.

Socrate. — Ainsi, dans la circonstance présente, notre recherche sur la valeur de cette étude a pour fin l’âme des jeunes gens ?

Nicias. — Oui.

Socrate. — Il s’agit donc de savoir lequel de nous est assez expert dans le traitement de l’âme pour être capable de la bien soigner, et s’il a eu de bons maîtres dans cet art.

Lachès. — Mais quoi, Socrate ? N’as-tu jamais vu d’hommes qui, sans maîtres, sont devenus plus habiles dans certains arts qu’avec des leçons ?

Socrate. — Sans doute, Lachès. Mais tu ne te fierais pas à eux s’ils te disaient qu’ils sont habiles sans te montrer un ou plusieurs beaux ouvrages de leur façon.

Lachès. — Tu as raison.

Socrate. — De même, Lachès et Nicias, puisque Lysimaque et Mélésias nous demandent conseil au sujet de leurs fils pour les aider à rendre leurs âmes aussi parfaites que possible, si nous déclarons que nous avons appris cet art, nous devons leur faire connaître quels maîtres nous avons eus, et prouver que ces maîtres, hommes de mérite eux-mêmes, avaient soigné habilement de jeunes âmes avant de nous transmettre leur enseignement. Si quelqu’un de nous déclare n’avoir pas eu de maître, mais peut du moins nous montrer ses œuvres, il doit nous dire quels individus, Athéniens ou étrangers, esclaves[2] ou libres, sont devenus grâce à lui des hommes d’un mérite reconnu. Si nous ne pouvons

  1. Démosthène, parlant de l’homme d’État, l’appelle le « conseiller du peuple », et exige de lui des garanties analogues à celles que Socrate exige de tout homme qui prétend donner des conseils.
  2. Noter cette place accordée à l’esclave à côté de l’homme libre. Antiphon et Alcidamas ont reconnu vers le même temps ou même avant l’égalité naturelle des hommes. L’inégalité entre les hommes vient surtout d’une différence d’éducation, d’après l’auteur inconnu (pseudo-Xénophon) de l’opuscule Sur la République d’Athènes.