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CHARMIDE

— « Que penses-tu de ce jouvenceau, Socrate ? me dit Chéréphon : son visage est-il assez beau ? » — « Merveilleux, » répondis-je. — « Eh bien ! s’il consentait à se dévêtir, tu n’aurais plus d’yeux pour son visage, tant sa beauté est parfaite de tous points. » — Tout le monde appuya l’avis de Chéréphon. — « Par Héraclès ! m’écriai-je, voilà de quoi défier tous les rivaux, pourvu qu’il s’y ajoute encore une petite chose. » — « Laquelle ? » dit Critias. — « La beauté de l’âme : c’est là un mérite, mon cher Critias, qu’on est en droit d’attendre de ceux qui appartiennent à votre maison. » — « Sur ce point également, il est digne de tout éloge[1]. » — « Si nous commencions par déshabiller son âme et par la considérer, avant d’admirer la beauté de son corps ? Il est certainement d’âge à accepter une causerie. » — « Sans aucun doute, dit Critias ; il aime la philosophie, et en outre, au jugement de ses amis et au sien propre, il est doué pour la poésie. » — « C’est là, mon cher Critias, un héritage de votre ancêtre Solon. Appelle ce jeune homme et fais-moi faire la connaissance de ses talents. Fût-il plus jeune qu’il ne l’est, un entretien de ce genre n’aurait rien de déplacé en ta présence, puisque tu es son tuteur et son cousin. » — « Tu as raison, dit-il, faisons le venir. » — S’adressant alors au serviteur qui l’accompagnait : « Va chercher Charmide et dis-lui que je désire le présenter à un médecin, à cause de l’indisposition dont il se plaignait ». Puis, se tournant vers moi : « Il me disait en effet tout à l’heure qu’il avait eu mal à la tête à son réveil. Vois-tu quelque difficulté à te donner pour un homme qui aurait un remède contre le mal de tête ? » — « Aucune difficulté, dis-je ; qu’il vienne seulement. » — « Il va venir, » reprit-il.


Début de l’entretien. Préliminaires ; position de la question : la sagesse.

Ainsi fut fait : il arriva, et ce fut l’occasion d’une scène fort plaisante ; car chacun de ceux qui étaient assis se mit à écarter et à refouler son voisin de toutes ses forces pour faire place à côté de lui au nouvel arrivant, si bien que, des deux derniers,

  1. Littéralement : il est beau et bon. On sait que cette expression désigne l’honnête homme au sens large, l’homme distingué et comme il faut.