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mon côté, que je serai très puissant auprès de toi, quand je t’aurai démontré combien je te suis précieux, à tel point que ni ton tuteur, ni tes parents, ni aucun autre, n’est en état de te faire acquérir la puissance que tu désires, personne, excepté moi, avec l’aide du dieu, bien entendu. » Tant que tu étais trop jeune et que ces espérances ne t’emplissaient pas encore le cœur, le dieu ne m’autorisait pas à te parler ; il ne voulait pas que je le fisse inutilement. À présent, 106 il me rend la liberté ; car désormais tu es prêt à m’écouter.

Alcibiade. — Vraiment, Socrate, tu me sembles bien plus étrange encore, depuis que tu t’es mis à parler, que quand tu me suivais sans rien dire. Et pourtant, tu ne l’étais pas médiocrement alors même. Maintenant, ai-je bien les pensées que tu m’attribues, oui ou non ? tu as pris parti là-dessus, à ce qu’il me semble ; et j’aurais beau le nier, je ne réussirais pas davantage à te persuader. Eh bien, soit. Admettons que j’aie réellement ces desseins ; peux-tu m’expliquer comment ils se réaliseront grâce à toi et ne sauraient réussir sans toi ?

Socrate. — Me demandes-tu si je peux m’expliquer en b de longs discours, tels que tu es habitué à en entendre ? Ce n’est pas ma manière. Toutefois, je crois pouvoir te démontrer ce que j’ai dit ; il faut seulement que tu m’accordes une toute petite faveur.

Alcibiade. — S’il ne s’agit pas d’une chose trop difficile, je veux bien.

Socrate. — Est-il difficile selon toi de répondre à des questions ?

Alcibiade. — Oh ! cela est facile.

Socrate. — Bon ; alors, réponds-moi.

Alcibiade. — Va, interroge.

Socrate. — Bien entendu, je t’interroge en admettant c que tu as réellement les desseins que je t’ai attribués ?

Alcibiade. — Soit, admettons-le, pour voir ce que tu vas dire.


Alcibiade est obligé d’avouer que le peu qu’il sait ne lui servira de rien.

Socrate. — À la bonne heure. Tu as donc dessein, comme je l’affirme, de parler prochainement au peuple athénien pour lui donner des conseils. Supposons alors qu’étant près de monter à la tribune, je t’arrête pour te demander : « Alcibiade,