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HIPPIAS MINEUR

Hippias. — Oui.

Socrate. — C’est donc qu’avec le naturel du meilleur cheval on peut, si on le veut, exécuter mal ce qui est sa fonction, tandis qu’avec celui du mauvais cheval on l’exécute mal sans le vouloir.

Hippias. — C’est bien cela.

Socrate. — Et il en est de même du chien et de tous les autres animaux.

Hippias. — Oui.

Socrate. — Passons à l’homme. Dans quel cas l’âme d’un archer vaut-elle mieux ? si elle lui permet de manquer le but quand il le veut, ou si elle fait qu’il le manque sans le vouloir ?

Hippias. — b S’il le manque quand il le veut.

Socrate. — L’âme de cette sorte est donc meilleure pour le tir de l’arc ?

Hippias. — Oui.

Socrate. — Et l’autre, celle qui manque le but involontairement, est moins bonne que celle qui le manque quand elle le veut.

Hippias. — Oui, pour le tir de l’arc.

Socrate. — Et pour la médecine ? celle qui fait du mal au corps volontairement n’est-elle pas la plus savante ?

Hippias. — Oui.

Socrate. — Elle est donc supérieure dans cet art à celle qui fait autrement.

Hippias. — Supérieure en effet.

Socrate. — De même, pour la citharistique, pour l’aulétique, et en général pour toutes les techniques etc toutes les sciences, la supériorité n’est-elle pas à l’art qui peut à volonté mal faire, pécher contre la beauté et contre les règles, tandis que les mêmes résultats, s’ils sont involontaires, sont marque d’infériorité ?

Hippias. — Apparemment.

Socrate. — Mais alors nous aimerions mieux, sans doute, chez nos esclaves des âmes qui manqueraient aux règles et feraient mal à volonté que des âmes qui feraient mal sans le vouloir, les premières étant supérieures pour tous usages.

Hippias. — Oui.