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HIPPIAS MINEUR

nuisent aux autres, qui sont injustes, qui mentent et qui trompent, en un mot ceux qui font mal volontairement et non malgré eux, ceux-là me paraissent meilleurs que ceux qui agissent de même sans le vouloir. Cependant il y a aussi des instants où je suis d’un avis contraire ; en somme je vais d’un sentiment à un autre, ce qui prouve que j’ignore ce qui en est. Poure le moment, me voici en proie à une sorte de trouble mental qui me fait croire que ceux qui font le mal volontairement valent mieux que les autres. J’attribue la cause de cet état d’esprit à nos précédents raisonnements : car il en ressort, à l’heure présente, que ceux qui font tout cela sans le vouloir valent moins que ceux qui le font volontairement. C’est à toi de t’intéresser à moi et de te prêter à guérir mon âme. En373 la délivrant de l’ignorance, tu me rendras un bien plus grand service que si tu délivrais mon corps d’une maladie. Seulement, si tu veux prononcer un long discours, j’aime mieux te dire tout de suite que tu ne me guérirais pas ; je serais incapable de te suivre. Au contraire, si tu veux bien me répondre comme tout à l’heure, tu me feras beaucoup de bien, et j’imagine que cela ne sera pas sans profit pour toi non plus. (Se tournant vers Eudicos) Et toi aussi, fils d’Apémantos, j’aurais bien le droit de t’appeler à mon aide. C’est toi qui m’as excité à entrer en conversation avec Hippias. À présent, si Hippias n’est plus disposé à me répondre, prie-le pour moi.

Eudicos. — Oh ! Socrate, je ne crois pas qu’il soit nécessaire que nous priions Hippias. Celab s’accorderait mal avec ses propres déclarations : il a dit qu’il ne se refuserait à aucune question. N’est-il pas vrai, Hippias ? n’est-ce pas ce que tu disais ?

Hippias. — Oui, certes. Mais, vois-tu, Eudicos, Socrate ne fait que mettre de la confusion dans ce qu’on dit ; on dirait qu’il cherche à faire du mal.

Socrate. — Ah ! mon bon Hippias, ce n’est pas volontairement que j’agis ainsi : car alors, je serais savant et habile, d’après ce que tu viens de dire. Non, c’est bien malgré moi. Il faut donc me pardonner, puisque tu déclares, d’autre part, qu’il faut être indulgent pour qui fait mal sans le vouloir.

Eudicos. —c Tu ne peux faire autrement, Hippias. Allons, par égard pour nous et aussi pour tenir tes engagements, réponds aux questions que Socrate pourra te poser.