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NOTICE




I

DATE ET OBJET DU DIALOGUE


Le Criton, de même que l’Euthyphron, se relie naturellement à l’Apologie ; mais il s’y relie moins étroitement. L’Euthyphron, suppléant à l’insuffisance des explications fournies par l’Apologie sur la religion de Socrate, touchait à une question capitale, sur laquelle il était urgent que le public fût éclairé. Du moment que Platon entreprenait de faire mieux connaître son maître, c’était par là qu’il devait commencer. Le sujet traité dans le Criton était loin d’avoir la même importance.

Socrate, emprisonné après sa condamnation, en attendant l’exécution de la sentence, avait eu, disait-on, les moyens de s’évader ; il avait refusé de le faire. Pour quelles raisons ? Était-ce découragement, manque d’audace, dégoût de la vie ? ou, au contraire, orgueil philosophique, désir de faire admirer son courage, de se distinguer du commun des hommes par quelque action extraordinaire ? Les deux explications devaient avoir cours dans le public, la seconde de préférence ; toutes deux étaient injurieuses pour le sage, qui avait voulu prendre le devoir comme règle unique de ses actes. Platon se dit qu’il ne devait autoriser ni l’une ni l’autre par son silence. Il lui appartenait, à lui qui pensait avoir connu Socrate mieux que personne, de montrer que son refus de fuir était la conséquence naturelle de ses principes. Étant ce qu’il était, il n’avait pas pu agir autrement. En acceptant de s’évader, il se serait démenti lui-même, il aurait en quelque sorte renié ce qu’il avait toujours affirmé. Telle fut l’idée qui inspira l’au-