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APOLOGIE DE SOCRATE

Anytos celle des artisans et des hommes politiques, Lycon celle des orateurs. 24 Aussi serais-je surpris, comme je le disais en commençant, si je parvenais à détruire chez vous en si peu de temps une calomnie qui s’est ainsi amassée.

C’est là, en somme, Athéniens, l’exacte vérité. Je ne vous cache rien, absolument rien ; je ne dissimule quoi que ce soit. Et pourtant, je n’ignore pas que je me fais ainsi détester pour les mêmes raisons que précédemment. Cela prouve justement que je dis vrai, que c’est bien là effectivement la calomnie qui pèse sur moi et que telles en sont les origines. b Cherchez-les maintenant ou plus tard, voilà ce que vous trouverez.


La plainte de Mélétos.

Finissons-en ici avec les inventions de mes premiers accusateurs : ce que j’en ai dit doit vous suffire. Maintenant c’est à cet honnête homme de Mélétos, à cet ami dévoué de la cité, comme il se qualifie lui-même, et à mes récents accusateurs que je vais essayer de répondre. Or, puisqu’ils sont distincts des précédents, prenons à son tour le texte de leur plainte. Le voici à peu près : « Socrate, dit-elle, est coupable de corrompre les jeunes gens, de ne pas croire aux dieux auxquels croit la cité c et de leur substituer des divinités nouvelles. » Telle est la plainte. Examinons-la point par point.

Il prétend donc que je suis coupable de corrompre les jeunes gens. Eh bien, moi, Athéniens, je prétends que Mélétos est coupable de plaisanter en matière sérieuse, quand, à la légère, il traduit des gens en justice, quand il fait semblant de prendre grand intérêt à des choses dont il n’a jamais eu le moindre souci. Et je vais essayer de vous montrer qu’il en est ainsi.

Approche donc, Mélétos, et dis-moi[1] : n’attaches-tu pas la plus grande importance d à ce que nos jeunes gens soient aussi bien élevés que possible ? — Assurément. — Cela étant, dis

  1. La loi athénienne autorisait l’accusé à interroger lui-même son accusateur et faisait obligation à celui-ci de répondre aux questions qui lui étaient posées.