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APOLOGIE DE SOCRATE

Lorsque l’on compare les discours qui lui sont prêtés dans l’Apologie de Platon et dans celle de Xénophon, on remarque certains traits communs qui se détachent, au milieu de différences profondes et quelque peu déconcertantes. Ces différences montrent assez que ni l’un ni l’autre de ces écrits ne reproduit exactement le langage que l’accusé tint réellement. Mais ces traits communs n’en ont que plus de valeur. Il est donc à croire que Socrate, sans entrer dans l’exposé de ses idées religieuses, ce qu’il ne pouvait tenter, attesta du moins qu’il observait le culte traditionnel. Il expliqua de son mieux ce qu’était cet esprit divin qui l’avertissait secrètement et dont on l’accusait de faire une divinité nouvelle. Il rappela surtout comment il avait vécu, pauvre, détaché de tout, et toujours au grand jour, remplissant consciencieusement les devoirs du citoyen, soit en paix, soit en guerre, et n’ayant jamais fait de tort à personne. Enfin, essayant de justifier ce rôle d’enquêteur et de censeur qui lui avait fait des ennemis redoutables, il dut exposer pour quelles raisons il s’était cru obligé moralement de l’adopter et ne pouvait à aucun prix y renoncer ; et, sans doute, pour donner à cette justification plus de force, il rappela le témoignage du dieu de Delphes, qui l’avait si nettement sanctionnée d’avance. On ne peut guère douter non plus qu’une fois condamné, étant invité d’après la loi à discuter la peine proposée, il n’ait dit, comme le rapporte Platon, qu’il avait mérité d’être nourri au Prytanée. Une telle ironie n’a pu lui être attribuée fictivement par un témoin qui voulait en somme donner une idée exacte de son attitude devant ses juges. Quant au ton général de son discours, on doit croire, étant donné son caractère, qu’il n’eut rien de l’arrogance sèche que lui prête Xénophon, et qu’il fut bien plutôt empreint de la bonhomie tantôt ironique et tantôt éloquente que Platon a si heureusement imitée.

Xénophon atteste que plusieurs des amis de Socrate prirent la parole après lui pour le défendre[1]. S’agit-il de simples témoignages ou, comme il le dit, de véritables discours ? nous l’ignorons ; et, en tout cas, s’il y eut de tels discours, nous n’en pouvons rien dire.

  1. Xén., Apol., 22.