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ALCIBIADE

Socrate. — Est-il besoin de te démontrer par des arguments plus péremptoires encore que l’âme est l’homme même ?

Alcibiade. — Non, par Zeus, la démonstration me semble très suffisante.

Socrate. — Ne fût-elle pas rigoureuse, si elle est satisfaisante, cela nous suffit. Nous y regarderons de plus près, quand nous aurons trouvé ce que nous avons laissé un moment de côté, d comme exigeant beaucoup de réflexion.

Alcibiade. — De quoi parles-tu ?

Socrate. — De ce que nous disions tout à l’heure : qu’il fallait chercher d’abord ce que c’est que « soi-même ». Or, au lieu du « soi-même » en sa totalité, nous avons cherché ce qu’est chaque « soi-même » en particulier[1]. Peut-être, après tout, cela nous suffira-t-il. Car, apparemment, la partie maîtresse en nous c’est bien l’âme.

Alcibiade. — Assurément.

Socrate. — En conséquence, tenons-nous-en à ceci : quand nous nous entretenons, toi et moi, en échangeant des propos, c’est l’âme qui parle à l’âme.

Alcibiade. — Très bien.

Socrate. — Justement e comme nous le disions à l’instant : quand Socrate s’entretient avec Alcibiade par un échange de propos, ce n’est pas à ton visage qu’il parle, mais apparemment c’est à Alcibiade lui-même ; or Alcibiade, c’est ton âme.

Alcibiade. — Je le pense comme toi.

Socrate. — Ainsi c’est de notre âme qu’il nous est recommandé de prendre connaissance par le précepte de se connaître soi-même.

Alcibiade. — 131 Il me le semble.

Socrate. — Celui qui connaît quelque partie de son corps, connaît ce qui est à lui, mais ne se connaît pas lui-même.

Alcibiade. — C’est exact.

Socrate. — Par exemple, aucun médecin ne se connaît lui-même, en tant du moins que médecin, ni aucun maître de palestre, en tant que maître de palestre.

Alcibiade. — Je crois que non.

  1. Socrate veut dire qu’il faudrait, pour épuiser le sujet, distinguer encore dans l’âme elle-même ses diverses parties, et surtout la raison, au lieu de se contenter de distinguer seulement dans chacun des hommes le corps et l’âme.