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que le même peuple ne conserve pas toujours la même législation, et que les différents peuples ont aussi des lois différentes. Ainsi, parmi nous il n'y a pas de loi qui prescrive les sacrifices humains : que dis-je? Ce serait une impiété ! Mais chez les Carthaginois, ces sacrifices, loin d'être désavoués par les lois, [315c] passent pour des actes agréables aux dieux, à ce point que quelques-uns d'entre eux immolent leurs propres enfants à Saturne, comme on te l'a raconté[1]. Et ce n'est pas seulement chez des Barbares qu'on trouve des lois si différentes des nôtres : à Lycée[2], quels sacrifices ne font pas les successeurs d'Athamas! et cependant ce sont des Grecs. Sans sortir de notre patrie, ne sais-tu pas quelles lois on observait naguère aux funérailles ? On égorgeait les victimes et on faisait venir les femmes chargées de recueillir les ossements avant même que le cadavre ne fût enlevé. [315d] A une époque encore plus reculée, on enterrait les morts dans leurs propres maisons)[3] : tous ces usages sont abolis; et il y aurait mille exemples semblables à rapporter, car le champ est vaste et les preuves abondent quand il s'agit de montrer que ni les individus ni les sociétés ne sont pas très constants dans leurs opinions.

SOCR. Il n'y aurait rien de surprenant, mon excellent ami, que tu eusses parfaitement raison; pour moi, je n'en sais rien. Mais si tu te complais à développer tes idées dans de longues dissertations, et que de mon côté j'imite ton exemple, [315e] il n'y a pas d'apparence que nous tombions jamais d'accord. Si, au contraire, nous réunissons nos efforts

  1. Diod de Sic., XX, 14. Plutarq., De Superstit.. Plin., Hist. XXX, 1. Justin, XVIII, 7.
  2. République, VIII, il est question de sacrifices humains dans le temple de Jupiter Lycéen en Arcadie. Voyez aussi Pausanias, VIII, 2.
  3. Cet usage subsista jusqu'à Solon, qui défendit d'enterrer les morts dans l'intérieur de la ville.