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ÉPINOMIS.

mérite de porter ce nom. D’un autre côté l’âme pleine de confiance en elle-même se flatte, sur de vaines conjectures, que la possession de la sagesse lui est [974c] en quelque sorte naturelle ; tandis qu’elle ne peut dire ni en quoi elle consiste ni quand et comment elle l’a acquise. Ne reconnaissons-nous point la peinture de cet état dans la recherche que nous faisons de la sagesse, et dans le désespoir de la rencontrer, désespoir qui surpasse l’espérance d’y atteindre, dans ceux d’entre nous qui sont capables d’examiner d’une manière réfléchie et suivie, par toutes sortes de discours et en tout temps, ce qui se passe en eux-mêmes et dans les autres ? Accorderons-nous ou non que la chose est ainsi ?

Clinias. Nous l’accorderons, Étranger, [974d] mais en conservant l’espérance de parvenir peut-être un jour avec ton secours à connaître la vérité sur l’objet dont il s’agit.

L’Athén. Il nous faut donc parcourir d’abord toutes les sciences appelées vulgairement de ce nom, quoiqu’elles ne communiquent point la sagesse à celui qui les étudie ou qui les possède, afin qu’après les avoir mises à l’écart, nous essayions d’exposer celles qui servent à notre dessein, et d’en faire notre étude. Et pour commencer par les arts relatifs aux premiers besoins du genre humain, considérons [974e] que ce sont les plus nécessaires et à dire vrai les premiers de tous les arts ; que celui qui les possède a bien pu dans les commencements passer pour sage ; mais qu’aujourd’hui, loin d’être un titre de sagesse, cette prétendue science [975a] lui serait plutôt un sujet de reproches injurieux. Nous allons faire le dénombrement de ces arts, et montrer que quiconque aspire à obtenir le prix de la vertu évite de s’y appliquer, pour se consacrer à la recherche de la prudence et de l’instruction. Le premier art est celui qui, si on en croit la tradition, détourna les premiers hommes de se nour-