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ÉPINOMIS

ceux qui ont l’expérience de la vie s’accordent à dire que le genre humain ne saurait parvenir au vrai bonheur. Écoute-moi, et vois si sur ce point je ne pense pas aussi bien qu’eux. Je conviens qu’il est impossible aux hommes d’être véritablement heureux, à l’exception d’un très petit nombre ; mais la vérité de cette proposition me semble bornée à la vie présente, et je soutiens que tout homme a une espérance légitime de jouir après sa mort des biens en vue desquels il s’est efforcé de mener sur la terre une vie vertueuse, et de faire une fin [973d] pareille à sa vie. Je n’avance rien de bien profond et dont nous n’ayons quelque connaissance, Grecs et Barbares, lorsque je dis que pour tout être animé la vie est un état de souffrance, et cela dès le commencement. Car, soit qu’on considère cet être lorsqu’il est encore dans le sein de sa mère, puis à sa naissance, ou dans ses premiers accroissements, et dans son éducation, nous convenons tous que tout cela est accompagné de peines infinies. [974a] Vient ensuite un temps très court, non seulement en comparaison de la durée de nos maux, mais à le prendre en lui-même, où l’homme semble respirer pour quelques moments ; c’est le milieu de la vie. Mais la vieillesse qui s’avance à grands pas fait souhaiter à quiconque n’est pas rempli de préjugés puérils de ne pas recommencer une nouvelle carrière, lorsqu’il jette les yeux sur celle qu’il vient de parcourir. L’objet même dont la recherche nous occupe est une preuve de la vérité de ce que je dis. [974b] Nous cherchons les moyens de parvenir à la sagesse, comme s’il était en notre pouvoir d’y arriver. Mais la sagesse s’éloigne de nous à mesure que nous nous approchons de ce qu’on appelle arts, connaissances et de toutes les autres sciences semblables, que nous prenons faussement pour des sciences ; car aucune des connaissances qui ont pour objet les choses humaines ne