Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, XI, XII et XIII.djvu/651

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
TIMÉE.

dixième année, et moi j’avais à peine atteint ma dixième. C’était le jour Curéotis des Apaturies[1], et les enfants y jouaient le rôle qu’ils ont coutume de jouer à cette fête. Nos pères avaient proposé des prix pour ceux qui réciteraient le mieux des vers. On chantait donc maints poëmes de maints poëtes, et les poésies de Solon étant alors nouvelles, beaucoup d’entre nous les chantèrent. Un de ceux de notre tribu dit alors, soit que véritablement ce fût son opinion, soit qu’il voulût faire plaisir à Critias, que Solon ne lui paraissait pas seulement [21c] le plus sage des hommes, mais aussi le plus noble de tous les poëtes. Le vieux Critias, je m’en souviens, fut charmé de ce discours, et dit en souriant : Amynandros, si Solon n’eût pas fait de la poésie en passant, mais qu’il s’y fût livré sérieusement, comme d’autres l’ont fait, s’il eût achevé l’ouvrage qu’il avait rapporté d’Égypte, et si les factions et les autres maux qu’il trouva ici ne l’eussent contraint [21d] d’interrompre ses travaux, selon moi, ni Hésiode, ni Homère, ni aucun autre poëte n’eût surpassé sa gloire. — Qu’était-ce donc, Critias, que cet ouvrage, dit Amynandros. — C’était le récit de l’action la plus grande que cette

  1. Fête athénienne qui durait trois jours, dont le dernier, appelé Curéotis, était consacré à l’inscription des enfants dans les différentes tribus.