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les noms ont beau les avoir formés d’après cette idée que tout est dans un mouvement et un flux perpétuel, car je crois qu’en effet c’était là leur pensée, il se pourrait bien qu’il n’en fût pas ainsi dans la réalité, et que les auteurs mêmes des noms, saisis d’une sorte de vertige, fussent tombés dans un tourbillon où ils nous entraînent avec eux. Voici, par exemple, cher Cratyle, une question qui me revient souvent comme en rêve, devons-nous dire que le beau et le. bon existent par eux-mêmes, et toutes les choses de cette sorte ?

CRATYLE.

Il me le semble, Socrate.

SOCRATE.

Je ne demande pas si un beau visage ou tout autre objet beau, car tout cela est dans un flux perpétuel, mais si le beau lui-même ne subsiste pas toujours tel qu’il est ?

CRATYLE.

Il le faut bien.

SOCRATE.

S’il passait incessamment, serait-il possible de dire qu’il existe, et tel qu’il est ? Tandis que nous parlons, ne serait-il pas déjà autre, et n’aurait-il pas perdu sa première forme ?

CRATYLE.

Nécessairement.