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CRATYLE.

C’est fort bien ; mais tu vois, Socrate, que lorsque nous avons formé les noms, suivant les lois de l’art de la grammaire, avec l’a, le b, ou autres lettres, si nous venons à ajouter, retrancher, ou seulement déplacer quelqu’un de ces éléments, on ne pourra plus dire que nous écrivons ce mot, et que seulement nous ne l’écrivons pas comme il faut ; je dis que nous ne l’écrivons plus du tout, et qu’il devient tout autre du moment qu’on lui a fait subir quelqu’une de ces modifications.

SOCRATE.

J’ai bien peur, Cratyle, que cette manière de voir ne soit pas juste.

CRATYLE.

Comment cela ?

SOCRATE.

Il se peut bien qu’il en soit comme tu le dis, pour tout ce dont l’existence ou la non-existence dépend d’un nombre déterminé. Par exemple, si à dix, ou à tout autre nombre, tu ajoutes ou tu retranches quelque chose, tu as aussitôt un nombre différent. Mais la justesse d’une chose qui consiste, comme l’image, dans certaine qualité, n’est pas aux mêmes conditions. Au contraire, pour être image, il ne faut pas que l’image représente complètement la chose imitée. Vois si j’ai raison :