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DE LA VERTU.

enseignée, qu’il n’aurait pas fait apprendre à ses fils des arts coûteux, tandis qu’il aurait négligé de leur enseigner la vertu, ce qu’il pouvait faire sans rien dépenser ?

L’ami. Tu as raison.

Socr. Mais peut-être Thucydide était-il un homme de rien, qui n’avait d’amis ni dans Athènes ni chez nos alliés ? Au contraire, il était d’une grande maison, il avait un grand crédit dans toute la ville et dans la Grèce entière. De sorte que si la vertu s’enseignait, il aurait pu trouver, soit parmi ses concitoyens, soit parmi les étrangers, un homme capable de rendre ses fils vertueux, si le soin des affaires publiques ne lui en laissait pas à lui-même le loisir. Enfin, mon ami, je crois bien que la vertu ne peut pas s’enseigner.

L’ami. Cela est possible.

Socr. Si la vertu ne peut s’enseigner, il faut donc que les gens de bien le soient naturellement. Peut-être pourrons-nous le découvrir. Dis-moi, y a-t-il de bonnes natures de chevaux ?

L’ami. Oui, il y en a.

Socr. Mais il y a des hommes qui possèdent l’art de distinguer les bonnes natures de chevaux, tant à l’égard du corps pour la course qu’à l’égard du caractère, c’est-à-dire de leur courage et de leur mollesse.

L’ami. Oui.

Socr. Quel est cet art, quel nom lui donne-t-on ?

L’ami. L’art de l’écuyer.

Socr. Et pour les chiens, n’y a-t-il pas un art pareil de distinguer les bonnes natures des mauvaises ?

L’ami. Il y en a un.

Socr. Et lequel ?

L’ami. La cynégétique.

Socr. Nous avons aussi des gens qui essayent l’or et l’argent et en discernent la qualité.