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velle contradiction. Tu crains d’être privé de l’âme, et tu attribues une âme à la privation ; tu as peur d’être insensible et tu crois à une sensibilité qui te fera sentir que tu ne sens rien. Cependant, que d’excellentes raisons pour l’immortalité de l’âme ! Une nature mortelle ne se serait jamais élevée à une telle hauteur dans ses actions, jusqu’à mépriser la fureur des animaux féroces, franchir les mers, construire des villes, établir des gouvernements, porter ses regards vers le ciel et y observer les révolutions des astres, le cours du soleil et de la lune, leur lever, leur coucher, leurs éclipses et leurs retours, l’équinoxe et les tropiques, les pléiades de l’hiver et de l’été[1], les vents, les pluies et les terribles effets de la foudre ; elle n’aurait pas comme fixe pour l’avenir les événements du monde, s’il n’y avait pas dans l’âme un souffle divin qui lui donne l’intelligence et la science de toutes ces merveilles. Ce n’est donc pas à la mort que tu vas, Axiochus, mais à l’immortalité. Tu ne seras pas prive du bonheur, mais une félicité plus pure t’attend ; tes plaisirs ne seront plus altérés par ce corps mortel ; ils ne seront mêlés d’aucune douleur. En quittant cette prison, tu iras, pur de tout mélange, dans des régions où l’on ne connait ni peines, ni plaintes, ni vieillesse, où la vie, paisible et exempte de maux, se passe dans un heureux repos à contempler la nature et à philosopher, non plus pour la foule et le théâtre, mais à la lumière de l’éternelle vérité.

Axioch. Tes paroles ont tout à fait changé mes dispositions. Je ne crains plus la mort, et, pour imiter à mon tour les hyperboles des rhéteurs, je la désire. Je plane déjà dans les cieux, je parcours la carrière éternelle et divine ; j’ai dépouillé ma faiblesse, et suis devenu un homme nouveau.

  1. Les deux solstices.