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LETTRE VII.

la mort de Denys. À cette époque, il s’aperçut que cette conviction qu’il [327c] avait puisée aux sources de la saine raison, avait jeté des racines dans d’autres âmes que la sienne. Ces nouveaux sages étaient en petit nombre ; mais il croyait que par un bienfait des dieux il pouvait compter parmi eux le jeune Denys ; et il regardait cette circonstance comme le plus grand bonheur qui pût arriver et à lui-même et à Syracuse. Se rappelant alors notre liaison, la facilité que j’avais eue à lui inspirer le désir d’une vie plus honorable et plus vertueuse, il jugea absolument nécessaire que je vinsse à Syracuse [327d] pour le seconder dans ses projets. S’il eût pu réussir dans son dessein sur Denys, il avait la plus grande espérance d’arriver sans meurtres, sans massacres, sans tout ce cortége de maux qui nous fait gémir aujourd’hui, à corriger les mœurs de sa patrie et à lui donner le vrai bonheur. Dans ce louable but, il persuada à Denys de m’appeler près de lui. Il m’invitait lui-même à négliger tout [327e] pour accourir, de crainte que d’autres ne s’emparassent de l’esprit de Denys pour le détourner de la vertu. Il ajoutait une longue exhortation : quelle occasion plus favorable, me disait-il, faut-il attendre pour l’exécution de nos projets que celle qui nous est offerte par la divine Providence ? Il me mettait sous les yeux la grandeur des États de Denys en Sicile et en Italie, [328a] le pouvoir qu’il y exerçait lui-même, la jeunesse du prince et son goût pour l’étude et la philosophie ; il m’assurait que ses neveux et ses parents étaient tout disposés à conformer leur conduite à mes principes et très capables d’entraîner Denys avec eux ; de sorte qu’aujourd’hui ou jamais on pouvait espérer voir enfin réunis dans la même personne la philosophie et le souverain [328b] pouvoir. Telles étaient, entre bien d’autres, les raisons