Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/96

Cette page n’a pas encore été corrigée

lorsque son ami lui représente qu'il doit, avant tout, avoir soin de lui, [123e] s'instruire, s'exercer, et alors seulement aller faire la guerre au grand roi, il ne veut pas, et dit qu'il est assez bon pour cela tel qu'il est ; je pense que sa surprise serait encore bien plus grande, et qu'elle demanderait : Sur quoi donc s'appuie ce jeune homme ? Et si nous lui répondions : Il s'appuie sur sa beauté, sur sa taille, sur sa richesse, et quelque esprit naturel, ne nous prendrait-elle pas pour des fous, songeant en quel degré elle trouve chez elle tous ces avantages ? Et je crois bien que Lampyto, fille [124a] de Léotychidas, femme d'Archidamus, mère d'Agis, tous nés rois, serait fort étonnée, si, parmi tant d'avantages qu'elle rencontre chez elle, on lui disait qu'aussi mal élevé que tu l'as été, tu t'es mis en tête de faire la guerre à son fils. Eh ! n'est-ce pas une honte que les femmes de nos ennemis sachent mieux que nous-mêmes ce que nous devrions être pour leur faire la guerre ? Ainsi, mon cher Alcibiade, suis mes conseils, et obéis au précepte écrit sur la porte du temple de Delphes : Connais-toi [124b] toi-même. Car les ennemis que tu auras à combattre sont tels que je te les représente, et non tels que tu te les es figurés. Il faut pour les vaincre, du soin et de l'habileté : si tu y renonces, il te faut renoncer aussi à la gloire,