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NOTES

de l’état et de la religion, qui du haut de son théâtre comme d’une tribune combattait sans pitié, avec les armes redoutables du ridicule, tout ce qui lui paraissait contraire aux intérêts de la patrie et à l’ordre établi, Aristophane, sentinelle vigilante y devait jeter un cri d’alarme à la nouvelle direction des études de la jeunesse athénienne, et à l’apparition d’oisifs novateurs occupés des cieux plus que de la patrie, et dans les cieux trouvant des astres à la place des dieux du pays. Or, Socrate était au premier rang de ces novateurs ; Aristophane les persifla au nom de l’état dans la personne de Socrate. Encore une fois, dans l’antiquité, la religion, l’état et l’art se prêtaient une force mutuelle, et la première comédie avait une mission très-sérieuse. La haute bouffonnerie d’Aristophane couvre des pensées profondes. Assurément Aristophane n’eut pas l’intention de dresser l’acte d’accusation de Socrate, pas plus que Socrate n’eut l’intention de faire une révolution : mais dans l’histoire il ne s’agit pas des intentions des hommes ; il s’agit de leurs actes, de leur caractère général et de leurs effets réels et inévitables. Socrate était l’organe d’innovations qui devaient triompher, mais dont le jour n’était pas venu ; Aristophane était le défenseur vigilant et infatigable de la cause attaquée par Socrate. Les deux personnes pouvaient se voir et s’aimer même ; les deux causes étaient ennemies, et la