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LE BANQUET.

[222c] Alcibiade ayant cessé de parler, on se mit à rire de sa franchise, et de ce qu’il paraissait encore épris de Socrate. Celui-ci prenant la parole : Je soupçonne, Alcibiade, dit-il, que tu as été sobre aujourd’hui ; sans quoi tu n’aurais jamais si habilement tourné autour de ton sujet en t’efforçant de nous donner le change sur le vrai motif qui t’a fait dire toutes ces belles choses, et que tu n’as touché qu’incidemment la fin de ton discours : comme si l’unique dessein qui t’a fait parler n’était pas de nous brouiller, Agathon [222d] et moi, en prétendant, comme tu le fais, que je dois t’aimer et n’en point aimer d’autre, et qu’Agathon ne doit pas avoir d’autre amant que toi. Mais l’artifice ne t’a point réussi ; et on voit ce que signifiaient ton drame satirique et tes Silènes. Ainsi, mon cher Agathon, tâchons qu’il ne gagne rien à toutes ces manœuvres, et fais en sorte que personne ne nous puisse détacher l’un de l’autre. — En vérité, dit Agathon, je crois que [222e] tu as raison, Socrate ; et justement il est venu se placer entre toi et moi pour nous séparer, j’en suis sûr. Mais il n’y gagnera rien, car je vais à l’instant me placer à côté de toi. — Fort bien ! reprit Socrate ; viens te mettre ici à ma droite. — Ô Jupiter, s’écria Alcibiade, que n’ai-je pas à endurer de la part de