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LE BANQUET.

le temps il finit par céder. Il vint, mais aussitôt après le repas, il voulut s’en aller. Je le laissai sortir par une sorte de pudeur. Mais une autre fois je lui tendis un nouveau piège, et, après qu’il eut soupé, je prolongeai notre entretien assez avant dans la nuit. Lorsque ensuite il voulut se retirer, j’alléguai qu’il était trop tard pour retourner chez lui, et le contraignis de rester. Il se coucha donc sur le lit, tout proche du mien, le même sur lequel il avait soupé ; personne, excepté nous, ne dormait dans cet appartement. [217e] Jusqu’ici il n’y a rien encore qui ne se puisse raconter en présence de tout le monde. Pour ce qui suit, vous ne l’entendriez pas de ma bouche ; mais d’abord le vin, avec ou sans l’enfance, dit la vérité, selon le proverbe[1] ; ensuite dissimuler un trait admirable de Socrate, après avoir entrepris son éloge, ne me semblerait pas juste. D’ailleurs je suis un peu dans la disposition des gens qui ont été mordus par une vipère ; ils ne veulent, dit-on, rendre compte de leur accident à personne, si ce n’est à ceux qui en ont éprouvé un pareil, comme étant seuls [218a] en état de concevoir et d’excuser tout ce qu’ils ont fait et dit dans

  1. Allusion à ce proverbe : Le vin et l’enfance disent la vérité. Phot. Lex., p. 235.