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LE BANQUET.

d’eux, et à quel point il en est épris ; vous voyez aussi que c’est un homme qui ignore toutes choses, et n’entend rien à quoi que ce soit ; il en a l’air au moins. Tout cela n’est-il pas d’un Silène ? tout-à-fait. Mais ce n’est là que l’enveloppe, c’est le Silène qui couvre le dieu. Ouvrez-le : quels trésors de sagesse, mes chers convives, n’y trouverez-vous pas renfermés ! Il faut que vous sachiez qu’il lui importe fort peu que l’on soit beau : il méprise cela [216e] à un point qu’on ne saurait croire : il ne se soucie pas plus qu’on soit riche, ou qu’on possède aucun des avantages enviés du vulgaire. Il regarde tous ces biens comme de nulle valeur, et nous-mêmes comme rien ; il passe sa vie à se moquer de tout le monde et dans une ironie perpétuelle. J’ignore si d’autres ont vu, quand il parle sérieusement et qu’il s’ouvre enfin, les trésors sacrés de son intérieur ; mais je les ai vus moi, et je les ai trouvés si précieux, si divins, [217a] si ravissants, qu’il m’a paru impossible de résister à Socrate. M’imaginant qu’il en voulait à ma beauté, je crus m’aviser d’une heureuse pensée et d’un admirable projet : je me flattai qu’avec de la complaisance pour ses désirs, il ne manquerait pas de me communiquer toute sa science. Aussi bien étais-je excessivement prévenu en faveur des agrémens