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LE BANQUET.

chairs et de couleurs humaines, et de tous ces vains agréments condamnés à périr, à qui il serait donné de voir face à face, sous sa forme unique, la beauté divine ! Penses-tu [212a] qu’il eût à se plaindre de son partage celui qui, dirigeant ses regards sur un tel objet, s’attacherait à sa contemplation et à son commerce ? Et n’est-ce pas seulement en contemplant la beauté éternelle avec le seul organe par lequel elle soit visible, qu’il pourra y enfanter et y produire, non des images de vertus, parce que ce n’est pas à des images qu’il s’attache, mais des vertus réelles et vraies, parce que c’est la vérité seule qu’il aime ? Or c’est à celui qui enfante la véritable vertu et qui la nourrit, qu’il appartient d’être chéri de Dieu ; c’est à lui plus qu’à tout autre homme qu’il appartient d’être immortel.

Mon cher Phèdre, et vous tous qui m’écoutez, tels furent les discours de Diotime ; ils m’ont persuadé, je l’avoue, et je voudrais à mon tour persuader à d’autres que, pour atteindre un si grand bien, nous n’avons guère, ici-bas d’auxiliaire plus puissant que l’Amour. Aussi je prétends que tout homme doit honorer l’Amour, et pour moi je rends hommage à tout ce qui s’y rapporte, je m’y adonne d’un zèle tout particulier, je le recommande à autrui, et, en ce mo-