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LE BANQUET.

sable. C’est ce motif, plus encore que l’amour [208d] de leurs enfants, qui leur fait braver tous les dangers, sacrifier leur fortune, endurer toutes les fatigues, et donner même leur vie. Penses-tu en effet qu’Alceste eût souffert la mort à la place d’Admète ; qu’Achille l’eût cherchée pour venger Patrocle, ou que votre Codrus s’y fût dévoué pour assurer la royauté à ses enfans[1], s’ils n’eussent point compté sur cet immortel souvenir de leur vertu qui vit encore parmi nous ? Non certes, et il s’en faut de beaucoup. Pour cette immortalité de la vertu, pour cette noble renommée, il n’est rien, ce me semble, que chacun ne fasse, et les plus gens de bien sont les plus empressés à ce dévouement, [208e] car ils désirent l’immortalité. Maintenant, continua Diotime, ceux qui sont féconds selon le corps, préfèrent s’adresser aux femmes, et leur manière d’être amoureux c’est de procréer des enfants pour s’assurer l’immortalité, la perpétuité de leur nom et le bonheur, à ce qu’ils s’imaginent,

  1. Codrus fut, comme on sait, le dernier roi d’Athènes. Son dévouement procura la paix à sa patrie attaquée par les Héraclides et les Doriens : mais il eut aussi pour effet d’assurer à ses descendans, pendant une longue suite d’années, la dignité d’archontes qui n’était guère moindre que celle des anciens rois. Voyez Lycurgue contre Léocrate.