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LE BANQUET.

connu : [207c] car c’est encore ici, comme précédemment, le même principe d’après lequel la nature mortelle tend à se perpétuer autant que possible et à se rendre immortelle ; et son seul moyen c’est la naissance, laquelle substitue un individu jeune à un autre plus vieux. On dit bien d’un individu, en particulier, qu’il vit et qu’il est le même, et l’on en parle comme d’un être identique depuis sa première enfance jusqu’à sa vieillesse ; et cela sans considérer qu’il ne présente plus les mêmes parties, qu’il naît et se renouvelle sans cesse, et meurt sans cesse dans son ancien état, et dans les cheveux et dans la chair, et dans les os [207e] et dans le sang, en un mot dans le corps tout entier. Et non-seulement le corps, mais l’âme change aussi bien d’habitudes, de mœurs, d’opinions, de désirs, de plaisirs, de chagrins, de craintes : de toutes ces choses nulle ne demeure la même, chacune naît et meurt à son tour. Et, ce qui est plus singulier encore, non-seulement les connaissances [208a] naissent et meurent en nous de la même façon (car, à cet égard encore, nous changeons sans cesse), mais chacune de ces connaissances subit en particulier les mêmes métamorphoses que nous. En effet, ce qu’on appelle réflexion se rapporte à une connaissance qui s’en va : car l’oubli est la fuite