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LE BANQUET.

siste sur ce point, de peur d’illusion : réfléchis bien, Agathon ; ce que ces gens possèdent, il est de toute nécessité qu’ils le possèdent, bon gré mal gré ; comment donc s’aviseraient-ils de le désirer ? Et si on objectait qu’un homme riche et sain pourrait dire : Je souhaite [200d] les richesses et la santé, et par conséquent je désire ce que je possède, nous lui répondrions : Mon cher, ton désir ne peut tomber que sur l’avenir : car présentement, il est certain que tu possèdes ces biens, bon gré mal gré ; vois donc si lorsque tu dis, je désire une chose que j’ai présentement, cela ne signifie pas ; je désire d’avoir encore à l’avenir ce que j’ai en ce moment. N’en conviendrait-il pas ? — Il le faudrait, reprit Agathon. — Eh bien, continua Socrate, cela n’est-il pas aimer et désirer ce dont on n’est pas sûr, ce qu’on ne possède pas encore, savoir la conservation de ce qu’on possède présentement ? [200e] — Oui, vraiment. — Ainsi désirer dans ce cas, comme toujours, c’est désirer ce dont on n’est pas sûr, ce qui n’est pas encore présent, ce qu’on ne possède pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque ; voilà ce qui constitue le désir et l’amour. — Il est vrai. — Repassons, ajouta Socrate, tout ce que nous venons de dire. Premièrement l’Amour est amour de quelque chose,