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LE BANQUET.

mour et non d’en faire l’éloge réellement. Voilà pourquoi apparemment vous vous appliquez à lui attribuer toutes les perfections, et vous le faites si grand et la cause de si grandes choses, afin [199a] qu’il paraisse très-beau et très-bon, je veux dire aux ignorants et non certes aux gens éclairés : cette manière de louer est fort belle et fort imposante ; mais elle m’était tout-à-fait inconnue, lorsque je vous ai donné ma parole. C’est donc ma langue et non mon cœur qui a pris cet engagement[1]. Veuillez m’en dispenser ; je ne vous ferai pas encore aujourd’hui un éloge de ce genre, car je ne le pourrais absolument pas. Mais si vous le voulez, je parlerai à ma manière, ne m’attachant qu’à dire des choses vraies, [199b] sans me donner ici le ridicule de prétendre disputer d’éloquence avec vous. Ainsi vois, Phèdre, si tu veux te contenter d’un éloge qui ne passera pas les bornes de la vérité, et dont le style sera tout simple. — Phèdre et l’assemblée répondirent qu’ils approuvaient fort qu’il parlât comme il lui plairait. — Permets-moi donc, Phèdre, reprit Socrate, de faire d’abord quelques questions à Agathon, afin qu’étant d’accord avec lui, je

  1. Nouvelle allusion au vers fameux de l’Hippolyte d’Euripide, v. 612. Voyez le Théétète.