Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/741

Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
LE BANQUET.

aux Muses, sitôt qu’on est inspiré par l’Amour : ce qui prouve que l’Amour excelle dans tout ce qui regarde les Muses ; car on n’enseigne point ce qu’on ignore, et on ne donne point ce qu’on n’a pas. Pourrait-on [197a] nier que tout ce qui a vie ne soit l’ouvrage de ce grand artiste ? Et ne voyons-nous pas dans tous les arts celui auquel il donne des leçons devenir célèbre et glorieux, tandis que celui qu’il n’inspire pas reste dans l’ombre ? C’est à la passion et à l’Amour qu’Apollon dut l’invention de la médecine, de la divination, de l’art de tirer de l’arc ; [197b] et l’on peut dire que l’Amour est le maître d’Apollon, comme des Muses pour la musique, de Vulcain pour l’art de forger les métaux, de Minerve pour l’art du tisserand, de Jupiter pour celui de gouverner les dieux et les hommes. Ainsi, l’ordre a été établi parmi les dieux par l’Amour, c’est-à-dire par la beauté ; car jamais l’Amour ne s’attache à la laideur. Avant l’Amour, comme je l’ai dit au commencement, il était arrivé aux dieux beaucoup d’événements fâcheux sous la loi de la Nécessité ; mais aussitôt que l’Amour parut, l’amour du beau répandit tous les biens parmi les dieux et parmi les hommes. [197c] Voilà donc, ô Phèdre, comment l’Amour me semble d’abord très-beau et très-bon, et comment ensuite il com-