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LE BANQUET.

la honte, qu’on soit trompé, ou qu’on ne le soit point : [185a] car si, dans l’espérance du gain, on s’abandonne à un amant que l’on croyait riche, et qu’on reconnaisse que cet amant est pauvre et qu’il ne peut tenir parole, la honte n’est pas moins grande ; on a découvert ce que l’on était ; on a montré que pour le gain on pouvait tout faire pour tout le monde, et cela n’est guère beau. Au contraire, si, après s’être confié à un amant que l’on avait cru honnête, dans l’espérance de devenir meilleur par le moyen de son amitié, on vient à reconnaître que cet amant n’est point honnête homme [185b] et qu’il est lui-même sans vertu, il y a encore de l’honneur à être trompé de la sorte : car on a fait voir le fond de son cœur ; on a montré que pour la vertu, et dans l’espérance de parvenir à une plus grande perfection, on était capable de tout entreprendre ; et il n’y a rien de plus glorieux. La conclusion est donc qu’il est beau d’aimer pour la vertu. Cet amour est celui de la Vénus céleste, céleste lui-même, utile aux particuliers et aux états, et digne de leur principale étude, puisqu’il oblige l’amant et l’aimé de veiller sur eux-mêmes, et d’avoir soin de [185c] se rendre mutuellement vertueux. Tous les autres amours appartiennent à la Vénus populaire. Voilà, Phèdre,