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LE BANQUET.

participe davantage de l’intelligence. C’est à l’amour des jeunes gens que se reconnaissent les serviteurs du véritable amour. Et ils ne s’attachent point à une trop grande jeunesse, mais à l’âge où l’intelligence commence à se développer, c’est-à-dire quand la barbe est venue : car ils ne veulent pas mettre à profit l’imprudence d’un trop jeune ami, pour le laisser aussitôt après [181d] et courir à quelque autre objet, mais ils se lient dans le dessein de ne se plus séparer, et de passer toute leur vie avec ce qu’ils aiment. Il serait vraiment à souhaiter qu’il y eût une loi, par laquelle il fut défendu d’aimer de trop jeunes gens, afin qu’on ne donnât point son temps à une chose si incertaine : en effet, qui sait ce que deviendra un jour cette jeunesse, quel pli prendront et le corps et l’esprit, de quel côté ils tourneront, vers le vice ou vers la vertu ? Les gens sages s’imposent eux-mêmes [181e] une loi si juste. Mais il faudrait la faire observer rigoureusement par les amans populaires dont nous parlions, et leur défendre ces sortes d’engagements comme on les empêche, autant [182a] que cela est possible, d’aimer les femmes de condition libre. Ce sont eux qui ont déshonoré l’Amour ; ils ont fait dire qu’il était honteux de bien traiter un amant ; c’est leur amour déplacé