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sa patrie et chez les autres Grecs : de sorte que, si la vertu était une chose qui pût s’enseigner, il aurait trouvé aisément quelqu’un, soit parmi ses concitoyens, soit parmi les étrangers, qui aurait rendu ses enfants vertueux, [94e] si le soin des affaires publiques ne lui en eût pas laissé le loisir. Mais, mon cher Anytus, je crains fort que la vertu ne puisse s’enseigner.

ANYTUS.

À ce que je vois, Socrate, tu ne te gênes pas pour dire du mal des gens. Si tu voulais m’écouter, je te conseillerais d’être plus réservé, parce qu’il est plus facile en toute autre ville peut-être de faire du mal que du bien à qui l’on veut, mais en celle-ci beaucoup [95a] plus qu’ailleurs. Je crois que tu en sais quelque chose par toi-même.

SOCRATE.

Menon, il me paraît qu’Anytus se fâche ; et je ne m’en étonne pas : car d’abord il s’imagine que je dis du mal de ces grands hommes, et de plus il se flatte d’être de ce nombre. Mais s’il vient jamais à connaître ce que c’est que dire du mal, il cessera de se fâcher ; pour le présent il l’ignore. Dis-moi donc, Menon, n’avez-vous point aussi chez vous des hommes vertueux ?