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les vieux souliers et raccommodent les vieux habits, ne sauraient les rendre en plus mauvais état qu’ils les ont reçus, sans qu’on s’en aperçoive au plus tard au bout de trente [91e] jours, et ne tarderaient guère à mourir de faim ; Protagoras a corrompu ceux qui le fréquentaient, et les a renvoyés plus mauvais d’auprès de lui qu’ils n’étaient venus, sans que toute la Grèce en ait eu le moindre soupçon, et cela pendant plus de quarante ans ; car il est mort âgé, je pense, d’environ soixante-dix ans, après en avoir passé quarante dans l’exercice de sa profession ; et durant tout ce temps-là jusqu’à ce jour, il n’a cessé de jouir d’une grande réputation. Et non seulement Protagoras, [92a] mais je ne sais combien d’autres, dont les uns ont vécu avant lui, les autres vivent encore. En supposant la vérité de ce que tu dis, que faudra-t-il penser d’eux ? qu’ils trompent et corrompent sciemment la jeunesse, ou qu’ils n’ont nulle connaissance du tort qu’ils lui font ? Tiendrons-nous pour insensés à ce point des hommes qui passent dans l’esprit de quelques-uns pour les plus sages personnages ?

ANYTUS.

Il s’en faut bien, Socrate, qu’ils soient insensés : les jeunes gens qui leur donnent de l’argent le sont bien plus qu’eux ; [92b] et encore plus les parents