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gardent ce système comme le comble de l’art.

SOCRATE.

Or ça, tu as lu avec le plus grand soin la rhétorique de Tisias : qu’il nous dise donc lui-même si par vraisemblable il entend autre chose [273b] que ce qui semble vrai à la multitude.

PHÈDRE.

Que serait-ce autre chose ?

SOCRATE.

Voilà sans doute pourquoi ayant trouvé cette sage et belle règle, il a écrit que si un homme faible et courageux est traduit en justice pour en avoir battu un autre fort et lâche, et lui avoir pris, je suppose, son vêtement, de part et d’autre il ne faudra pas dire un mot de la vérité ; l’homme lâche dira qu’il a été battu par plusieurs hommes et non par un seul plus courageux que lui ; et l’autre prouvera au contraire qu’ils étaient seuls, d’où il partira pour raisonner ainsi : [273c] Faible comme je suis, comment aurais-je pu m’en prendre à un homme si fort ? Celui-ci, en répliquant, aura bien soin de ne pas avouer sa lâcheté, mais il fera quelque autre mensonge qui peut-être fournira à son adversaire le moyen de le réfuter. Tout le reste est dans ce genre, et c’est là le fond de l’art ; n’est-ce pas, mon cher Phèdre ?