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[271e] d’un coup d’œil rapide, ou bien il doit se résoudre à n’en savoir jamais plus que ce qu’il a appris de ses maîtres, lorsqu’il suivait leurs leçons. Quand il sera capable de dire quels discours peuvent opérer la conviction et sur qui, et que, rencontrant un individu, il pourra le pénétrer soudain et se dire à soi-même, [272a] voilà bien une âme de telle nature, telle qu’on me la dépeignait ; la voilà présente devant moi, et pour lui persuader telle ou telle chose, je vais lui adresser tel ou tel langage ; quand il aura acquis toutes ces connaissances, et que de plus il saura quand il faut parler et quand se taire, quand employer ou quitter le ton sentencieux, le ton plaintif, l’amplification, et toutes les espèces de discours qu’il aura étudiées, de manière qu’il soit sûr de placer à propos toutes ces choses et de s’en abstenir à temps, il possédera parfaitement l’art de la parole ; jusque-là non : [272b] et quiconque, soit en parlant, soit en enseignant, soit en écrivant, oublie quelqu’une de ces règles, et prétend parler avec art, on à raison de ne pas le croire.

Eh bien, Socrate ; eh bien, Phèdre, nous dira maintenant notre écrivain[1], est-ce ainsi ou autrement qu’il faut concevoir l’art de la parole ?

  1. Celui dont Socrate prend la place en traçant le cadre d’un vrai traité de rhétorique.