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apprenant cet art à quelqu’un il lui donnera le secret de la poésie tragique ?

PHÈDRE.

Socrate, ces deux poètes pourraient bien rire aussi aux dépens d’un pareil homme qui regarderait la tragédie comme un assemblage de ces diverses parties, indépendamment de l’accord, des proportions et de l’ensemble.

SOCRATE.

Ils s’en moqueraient doucement. Suppose qu’un musicien rencontre un homme qui se flatte de connaître parfaitement l’harmonie parce qu’il saurait comment on tire d’une corde le son le plus aigu ou le plus grave ; [268e] il ne lui dira pas avec dureté : Malheureux, tu perds la tête ; mais, comme un digne ami des Muses, il lui dira avec plus de bonté : Mon cher, il faut savoir cela pour bien connaître l’harmonie ; mais néanmoins on peut le savoir, et être fort ignorant en fait d’harmonie : tu connais les notions préliminaires, mais tu ne connais point la science elle-même.

PHÈDRE.

Rien de plus juste.

[269a] SOCRATE.

De même Sophocle ne répondrait-il pas à son homme : Tu possèdes les éléments de l’art tragique,