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hennissant et bondissant il les entraîne, et les force de hasarder auprès de l’objet aimé une nouvelle tentative. À peine arrivé près de lui il se couche, s’allonge, et se livrant aux mouvements les plus lascifs, mord son frein, et tire en avant avec effronterie. [254e] Le cocher cependant éprouve plus fortement encore qu’auparavant la même impression de terreur, et se rejetant en arrière, comme il arrive souvent dans les courses quand on fait effort pour franchir la barrière, il retire avec plus de violence que jamais le frein entre les dents du coursier rebelle, ensanglante sa bouche et sa langue insolente, et meurtrissant contre terre les jambes et les cuisses de l’animal fougueux il le dompte par la douleur. Lorsqu’à force d’endurer les mêmes souffrances, le méchant s’est enfin corrigé, il suit humilié la direction du cocher, mourant de crainte dès qu’il aperçoit le bel objet dont il est épris. C’est alors seulement que l’âme des amants suit celui qu’elle aime avec pudeur [255a] et modestie.

Il arrive enfin qu’à force de recevoir comme un dieu toutes sortes d’hommages d’un amant sincèrement épris, le jeune homme naturellement disposé à l’aimer en vient à partager les sentiments de celui dont il reçoit les adorations. Si précédemment ses condisciples ou quelques