Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/520

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une violence indigne et coupable. Mais à la fin, lorsque le mal est sans bornes, ils s’abandonnent au coursier fougueux, et promettant de faire ce qu’il voudra, s’approchent et contemplent de près la beauté toute resplendissante de l’objet chéri. À cette vue la mémoire du guide se reporte vers l’essence de la beauté, il la voit s’avancer chastement à côté de la sagesse. Saisi de crainte et de respect, il tombe en arrière, [254c] ce qui le force de retirer les rênes avec tant de violence que les deux coursiers se cabrent, l’un de bon gré puisqu’il ne fait pas de résistance, mais l’autre, le coursier indocile, avec regret et avec fureur. En reculant, le premier, encore tout confus et tout ravi, inonde l’âme toute entière de sueur et d’écume ; l’autre, déjà guéri de l’impression du frein et de la douleur de sa chute, ayant à peine repris haleine, se répand en outrages et en injures contre son compagnon et contre le cocher lui-même ; il leur reproche leur timidité et leur lâcheté à soutenir [254d] l’attaque concertée ; enfin, malgré leur refus de le suivre, il les force de céder encore une fois et n’accorde qu’avec peine à leurs instances un moment de délai. Ce temps une fois passé, s’ils feignent de ne plus y penser, il réveille leur souvenir et leur fait violence ;