Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/515

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cesse de ressentir l’aiguillon de la douleur et goûte pour le moment la plus pénétrante [252a] volupté. Aussi ne veut-elle se détacher à aucun prix de son bien-aimé ; rien à ses yeux n’est aussi précieux ; mère, parents, famille, amis, elle oublie tout ; son bien négligé se perd sans qu’elle en tienne aucun compte ; les goûts nobles et légitimes qui faisaient son orgueil, n’ont plus pour elle aucun charme ; elle est prête à vivre esclave, et à s’endormir du plus profond sommeil, pourvu que ce soit le plus près possible de son bien-aimé. Car indépendamment du culte qu’elle rend à la beauté, [252b] elle ne trouve qu’auprès d’elle un remède à ses maux cuisants.

Cette affection, beau jeune homme auquel s’adresse ce discours, les hommes l’appellent amour ; si je te dis comment les dieux l’appellent, le nom te fera rire sans doute par sa singularité. Quelques Homérides nous citent, je crois, des pièces détachées d’Homère deux vers dont l’un est bien outrageant pour l’amour et assez peu mesuré :

[252c]

Les mortels le nomment l’Amour (Éros) qui a des ailes ;
Mais les dieux l’appellent Ptéros, parce qu’il a la vertu d’en donner[1].

  1. Voyez les notes.