Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/514

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homme, elle recueille les parcelles qui s’en détachent et en émanent, et qui ont fait nommer le désir amoureux ἵμερος[1] ; elle s’en abreuve, s’embrase, et ne connaît plus d’autre sentiment [251d] que celui du bonheur. Mais quand l’objet aimé n’est pas là, les pores de l’âme par où sortaient les ailes se dessèchent et se ferment ; les ailes n’ont plus d’issue ; enfermées avec les émanations de la beauté, elles s’agitent, elles battent comme les veines, et font effort vers leurs issues naturelles qui se sont refermées, de sorte que l’âme, aiguillonnée de toutes parts, est dans les angoisses et dans les fureurs, tandis que le souvenir de la beauté lui cause de la joie. Partagée entre ces deux sentiments et ne pouvant s’expliquer ce qu’elle éprouve, elle se trouble, elle se désespère, elle tombe dans une espèce de rage et son délire [251e] ne lui permet plus de sommeiller pendant la nuit ni de reposer pendant le jour ; elle court avidement du côté où elle croit apercevoir le bel objet qui l’occupe toute entière. Dès qu’elle peut le revoir, et se remplir de nouveau des émanations de la beauté, aussitôt se rouvrent tous les pores obstrués ; l’âme respire,

  1. Comme qui dirait ἱέμενα μέρη, parcelles détachées, émanations.