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dont les formes lui rappellent l’essence de la beauté, frémit d’abord ; quelque chose de ses anciennes émotions lui revient ; puis il contemple cet objet aimable et le révère à l’égal d’un dieu ; et s’il ne craignait de voir traiter son enthousiasme de folie, il sacrifierait à son bien-aimé comme à l’image d’un dieu, comme à un dieu même. L’aperçoit-il ? semblable à l’homme que saisit la fièvre, il change tout-à-coup, [251b] il se couvre de sueur, un feu ardent l’échauffé et le pénètre : car, au moment qu’il reçoit par les yeux l’émanation de la beauté, il doit ressentir la douce chaleur dont les ailes de l’âme se nourrissent : cette chaleur fond l’enveloppe dont la dureté empêchait jusque là les germes des ailes d’éclore et de pousser. Alors l’affluence de cet aliment divin fait gonfler la tige des ailes, qui s’efforcent de percer pour se répandre dans l’âme tout entière. Car autrefois l’âme était tout ailée ; [251c] maintenant elle est dans le plus grand travail, elle s’agite avec violence, et ressemble à l’enfant dont les gencives sont agacées par les efforts que font les premières dents pour percer. En effet, ses ailes commençant à naître, lui font éprouver une chaleur, un agacement, un chatouillement du même genre. Lorsqu’elle contemple la beauté du jeune