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(οἰωνιστική) pour le nom comme pour la chose, autant le délire qui vient des dieux l’emporte sur la sagesse des hommes.

Il est arrivé quelquefois, quand les dieux envoyaient sur certains peuples de grandes maladies ou de grands fléaux en punition d’anciens crimes, qu’un saint délire, s’emparant de quelques mortels, les rendit prophètes [244e] et leur fit trouver un remède à ces maux dans des pratiques religieuses ou dans des vœux expiatoires ; il apprit ainsi à se purifier, à se rendre les dieux propices, [245a] et délivra des maux présents et à venir ceux qui s’abandonnèrent à ses sublimes inspirations.

Une troisième espèce de délire, celui qui est inspiré par les muses, quand il s’empare d’une âme simple et vierge, qu’il la transporte, et l’excite à chanter des hymnes ou d’autres poèmes et à embellir des charmes de la poésie les nombreux hauts faits des anciens héros, contribue puissamment à l’instruction des races futures. Mais sans cette poétique fureur[1], quiconque frappe à la porte des muses, s’imaginant à force d’art se faire poète, reste toujours loin du terme

  1. Voyez l’Ion. C’était aussi l’opinion de Démocrite. Horace, Art poétique, 295 ; Cicer., de Orat., II, 46.